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Rencontre avec Amandine, comportementaliste équin en Provence

Bonjour !
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Passionnée par les chevaux depuis l’enfance, Amandine a fait des études de droit. Elle a passé ses diplômes haut la main avant de bifurquer dans le monde des chevaux pour y devenir photographe, comportementaliste équin et éleveuse. Sa vie de rêve : travailler au plus près de sa passion.

Elle m’a ouvert les portes de son domaine dans la campagne provençale où je l’ai suivie pendant une journée.
Nous avons alterné interviews et gestion des chevaux : nourrir, habituer les poulains à l’homme, changer les chevaux de pâture, etc.

Quand je suis venue la voir, deux poulains de son élevage (Sebam Horse) étaient nés il y a quelques semaines.
Voici le petit Preston, qui a fait, je dois dire, fondre mon coeur ! Curieux, fan des gratouilles, plein d’énergie : ce petit poulain est une merveille.

L’interview vidéo

Je vous propose aujourd’hui de découvrir dans cet article l’interview d’Amandine sur le thème du métier de comportementaliste équin

On va parler de plein de choses : différences entre éthologue et comportementaliste, études et diplômes, qualités essentielles au métier, comment ça se passe quand on la contacte pour son cheval, les problématiques que les cavaliers rencontrent avec leurs chevaux, etc. 

Cette fois-ci vous allez découvrir une interview 100% vidéo ci-dessous  : 

Pour contacter Amandine vous pouvez la joindre : 

Et pour ceux qui préfèrent le texte, quelques extraits de l’interview en format écrit

Quelles différences entre comportementaliste équin et éthologue ?

« On abuse du terme éthologie. Le vrai éthologue fait des études. L’éthologue est un scientifique. Il observe, il analyse, il rentre dans des bases de données, il fait des études comparatives. Il ne touche pas le cheval. L’éthologue ne manipule pas le cheval. Il passe son temps à observer le cheval, son environnement, quelle plante est toxique, l’équilibre alimentaire, les comportements sociaux en troupeau, les comportements avec les humains. On a des études qui ont été faites avec des chevaux qui ont été mis face à un écran pour savoir s’ils reconnaissaient certaines formes, des formes pleines, des formes creuses, s’ils reconnaissaient les humains, combien de temps après etc. ça c’est un vrai éthologue.
Donc pour moi on abuse du terme éthologie, à chaque fois que je vois sur des groupes des personnes qui publient « je cherche un éthologue pour aider mon cheval ». En fait non, l’éthologue il va te fournir des études. Il y a une déviation de l’utilisation du terme. »

Alors que du coup le comportementaliste équin il est dans le coté pratique et l’aide au cavalier c’est ça ?

« Là aussi on touche quelque chose de subtil, dans le milieu juridique. A l’école on apprend qu’on n’est pas censé manipuler le cheval avec le propriétaire puisqu’on n’est pas censé en tant que comportementaliste donner des cours (il nous faudrait un BPJEPS) donc la limite est floue.
Un comportementaliste ne peut pas aider un propriétaire sans lui montrer certaines choses et sans lui donner les clés et à la fois ça ne peut pas être un cours : il ne peut pas mettre le cavalier à cheval et lui dire « fais ci, fais ça ». Donc on a des réserves en terme juridique.
Cependant si demain vous êtes déclaré entraineur ou comportementaliste équin comme moi c’est le cas, ce que je fais c’est que je prends les chevaux au travail, je ne vais pas donner des cours dans des structures, je peux faire des bilans comportementaux, je peux analyser, dire à la cavalière « montre-moi ton problème ». Je ne donne pas un cours. J’analyse ce qu’il se passe et je fournis un bilan comportemental.

A la suite de ce bilan, je propose de prendre ou non (ça dépend le niveau du problème, je peux donner juste des solutions que la propriétaire peut appliquer toute seule) mais quand même en général 80% du temps ils finissent en pension travail chez moi : en pension rééducation comportementale, ça peut être mixé avec d’autres styles de pension (débourrage, pré-débourrage, cheval d’extérieur) mais la nuance et les limites sont difficilement appréciables parce que finalement on va avoir des comportementalistes qui vont se prendre pour des profs et inversement des enseignants BPJEPS qui pensent qu’ils sont comportementalistes.

Je tiens quand même à dire qu’il y a une différence très nette entre le BPJEPS et le comportementaliste équin. Je connais des personnes qui m’ont fourni leur cours de BPJEPS, je vois, ils n’apprennent (ça aussi c’est un élement que je dénonce un peu), on devrait avoir beaucoup plus de comportement dans les études BPJEPS parce que quand on est moniteur d’équitation et qu’on a une difficulté à un moment donné sur un exercice avec un cheval, il n’y a pas que la locomotion, la proprioception et la technique à cheval qui compte, il y a savoir soulager le cheval sur le moment, comprendre très vite et cerner le cheval pour voir ce qui ne va pas, analyser l’attitude cavalier cheval, il y a tout un tas de paramètres qui manque.

Pour moi, le monde idéal serait de créer un diplôme qui englobe tout ça : le coté moniteur avec la technique montée, le coté entraîneur de chevaux et le coté comportementaliste équin et quand on fait un combo de tout ça on a un professionnel parfait je pense. Parce qu’il va dans le sens du bien-être du cheval. Si le cheval se sent bien le cavalier va y prendre du plaisir. C’est pas un cheval dans la frustration qui donne du plaisir au cavalier ou alors il ne comprend pas bien comment l’équitation fonctionne.

J’exerce le métier de comportementaliste pour faire prendre conscience aux propriétaires de chevaux qu’en fait finalement l’origine du problème souvent c’est nous qui avons par de petites actions, sans faire exprès, monté un millefeuille qui vient encoder le cheval sur des comportements qu’on ne voit pas au début comme compliqués mais qui deviennent très vite compliqués puisque le cheval monte en escalade pensant que c’est la bonne réponse, le bon comportement, parce qu’il est pas là pour nous embêter, il ne le fait pas exprès, il n’a pas de capacité d’anticipation.
Si à un moment donné il répond comme ça à une action de notre part c’est qu’il y a eu encodage ou une peur trop grande.
Pour moi le comportementaliste équin, c’est pas juste « je connais les chevaux », non, d’ailleurs dans la formation il y a beaucoup de psychologie humaine, on voit Freud, on voit tous les mécanismes de la défense de soi. Souvent le propriétaire est beaucoup dans le déni ou accablé, victime de ce qu’il se passe, il se sent complètement coupable. »

En fait c’est un accompagnement du cheval que tu vas faire mais également un accompagnent du cavalier

« Enormément. Pour moi on peut pas aider un cheval sans aider le cavalier. C’est impossible. Et même si le cavalier pense qu’il n’a pas de problème, on trouve toujours des choses à améliorer. Le mot problème est peut-être gros mais il y a toujours des petites failles. On n’est jamais parfait. Le cheval n’est pas parfait, le cavalier ne l’est pas. C’est pas ça le truc. C’est de trouver vraiment l’entente entre les deux, l’équilibre qui va faire que le cheval ne rentre pas très vite dans la colère, la frustration ou la peur. Et que le cavalier pareil ne rentre pas dans la peur.

On a cet espèce de cercle vicieux, le propriétaire a peur du cheval, ne le touche pas, me le laisse donc je dois énormément passer par des exercices, où j’aide, je travaille avec le propriétaire les yeux bandés pour revenir à l’essentiel. Quelle est la sensation que tu as quand tu approches un cheval ? Ton cheval ? Au final, que t’apporte-t-il ? S’il ne t’apporte que de la peur ce n’est pas ça un loisir. Ce n’est pas ça se faire plaisir. C’est censé être des bons moments. Pas des moments de peur et d’angoisse.
Quand j’entends « j’arrive la boule au ventre sur le parking des écuries » c’est difficile à entendre. Le cheval le ressent. Le cheval perçoit énormément de choses : notre fréquence cardiaque, notre fréquence vibratoire tout court, nos intentions, la projection mentale. Quand le cavalier monte à cheval et dit « je vais tomber », dans sa tête c’est programmé. ça arrive 90% du temps. Quand on va chercher un cheval au pré, si vous vous dites avant d’arriver au pré « il va pas se laisser attraper » vous êtes sûr que vous ne l’attrapez pas aujourd’hui. Il y a ce côté incroyable avec le cheval où on n’a pas besoin de parler, rien qu’à travers ce qu’on transpire, ce qu’on respire, il le sent, beaucoup n’y croient pas. De nombreuses études l’ont prouvé.

Pour quels types de problèmes on te contacte le plus ?

« Je dirais le cheval craintif ou agressif. De plus en plus, malheureusement le cheval passe de « j’ai peur », « je suis dans la peur » à « j’ai une peur phobique ». Le cheval c’est une proie. Donc il a tendance à fuir le conflit, partir quand il a peur, d’où cet instinct de fuite super développé. Mais le fait de les domestiquer, de les mettre dans des espaces super réduits, quand on rentre vraiment dans leur espace et qu’ils n’ont plus cette possibilité de fuite, le cheval peut devenir agressif.
J’ai reçu des chevaux chez moi qui, vous avez pas passé la clôture, ils vous attrapent pas le teeshirt et ils vous suspendent par les dents dans tous les sens. Qui vous attaquent les oreilles plaquées, les dents dehors, qui vous boxent donc qui cabrent et qui vous donnent des coups d’antérieurs. J’en ai eu des très très très dangereux. Quand ils sont dans ça, ce qu’on appelle une peur phobique, ils sont enfermés dans un état et ils n’ont plus ce qu’on appelle à l’intérieur d’eux l’homéostasie qui va être cet état de bien être interne. Ils sont complètement déséquilibrés, un peu comme une personne qui basculerait dans un état psychotique. Le cheval il est enfermé dans cette peur, il tourne comme un poisson rouge dans son bocal, il tourne en rond là dedans et il est peut-être un peu calme quand vous lui foutez la paix au moins dix heures d’affilée.
J’ai ce genre de chevaux.

J’ai de plus en plus de chevaux agressifs malheureusement parce que plus le cheval est dans la peur plus le propriétaire insiste « mais allez, viens là, c’est rien, t’as peur c’est rien », ils veulent faire de la désensibilisation mais en fait ils renforcent ce coté sensible en faisant de la désensibilisation dans le mauvais sens. J’attire l’attention des gens sur ça : quand vous voulez désensibiliser un cheval, il faut le faire au rythme du cheval, parce que le cheval il a un seuil de tolérance, quand on passe ce seuil de tolérance on rentre dans la zone rouge. Quand on est dans la zone rouge, à peu près plus rien ne le calme vraiment. Donc le but c’est toujours de frôler cette zone sans jamais vraiment la toucher pour ne pas déclencher le comportement donc quand on travaille la désensibilisation c’est vraiment rester juste en dessous de ce seuil de tolérance qui fait que en effet on commence à être dans la peur mais on n’y est pas vraiment et là on travaille de façon productive et efficace.
Après j’ai beaucoup de problèmes aussi sur les chevaux d’extérieur. De plus en plus les chevaux ont l’habitude de vivre nombreux dans de petits espaces donc quand on les sort que ce soit à pied ou à cheval les gens me disent « je ne comprends pas je peux pas m’éloigner des écuries, je peux pas partir en balade, il cabre il fait demi tour il m’embarque. »

Quelles sont d’après toi les qualités importantes dans ce métier là ?

« Alors la bienveillance numéro 1. Sans bienveillance on peut pas être à l’écoute ni dans l’observation. Bienveillance animale et humaine.
Ensuite je dirais la persévérance, parce qu’il faut pas lâcher l’affaire. J’ai des chevaux qui m’ont donné du fil à retordre pendant plusieurs mois. Vraiment me faire trainer par terre au sol, me mettre dans des situations très compliquées pour arriver à obtenir un minimum de début de confiance.
Si je devais en donner une troisième, aimer ce qu’on fait. »

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